Deux jours dans le désert en Inde, Un français partageant son expérience de voyage dans le désert du Rajasthan
« Lorsque la nature fait le vide en toi, tu peux entendre le ciel et les étoiles te parler… Ecoute, tout simplement… »
J’ai finalement renoncé à mon trek pour ce week-end. Personne pour m’accompagner à 3600mètres, une mousson qui gâche le paysage… reporté ! Mais je ne vais pas manquer de profiter de ces mini-vacances ! Encore trois jours, on ne sait plus qu’en faire !?Je commence à avoir besoin de me poser un peu… mais pas cette semaine. Demain, je pars en train. Où ? Loin, je n’aurais pas toujours l’occasion de profiter de trois jours ! Mais en s’y prenant la veille… Je tente toute les combinaisons possibles avec un départ vendredi soir et un retour mardi matin et trouve finalement une ville : Bikaner.
Après quelques recherches sur Internet, il se trouve que cette ville évitée par les touristes constitue la porte du désert du Thar… ou se trouve en son cœur, selon les sources. Nous verrons bien. C’est parti!
Mais les réservations en ligne s’avèrent plus compliquées que prévu (merci HSBC ! Et bien sûr, mes conseillères sont en vacances !?Sans rancune) et je me retrouve avec finalement un aller simple.
Tant pis, je volerai un chameau!
je ne quitte chez moi, sans aucune idée de la distance de la gare qu’une heure et demie avant le départ du train C’est la panique ! Trois changements de ligne de métro, quinze arrêts, une foule toujours aussi nombreuse qui se tasse dans un escalator triple de cinquante mètre de long impressionnant (il n’y a pas d’escaliers, qu’est-ce que ça doit être quand il est en panne !), un chauffeur de rickshaw qui ne connait pas la route et quelques jurons bien choisis (un avantage des langues étrangères !) et me voilà à sauter dans le train au moment où il prend son élan. Au moins, faute d’avoir eu le temps de visiter la gare, je suis allé à la bonne et je n’ai pas eu à courir à l’autre bout du quai à chercher mon wagon, il m’a suffi d’attendre qu’il passe devant moi…
Ce train est bien différent de celui de Madagascar mais tout aussi dépaysant ! Ma voiture (Sleeper, ce qui est en dessous de la 3 ème classe !) ressemble vaguement au train couchette français… sauf qu’il n’y a pas de compartiments. Ben oui, c’est plus convivial d’entendre ronfler tout le monde.
Une rangée perpendiculaire est aussi casée de l’autre côté du couloir et, chose surprenante, alors que dans le métro, les femmes disposent si elles le veulent de compartiments qui leur sont réservés, ici, les wagons sont totalement mixtes. Ayant enfin posé mon stylo, et pour résister à la tentation de chatouiller les orteils de mon voisin de couchette qui dépassent en s’agitant comme par provocation, je délaisse mes barreaux de fenêtre pour aller me pencher à la porte qui, elle, étrangement, reste ouverte, et profiter de l’air nocturne.
Le réveil est rude ! A 6h50 un type braillard tout en jaune passe dans les couloirs avec un tambourin ! Je ne sais pas ce qu’il voulait mais je lui aurais bien rebalancé quelques jurons bien français ! Enfin… quitte à être réveillé, je profite d’une gare pour aller inspecter les autres wagons. Mince, ils ont disparus ! On a apparemment perdu les 1 ère et 2 nde classe au cours de la nuit!
Pour ce qui est de la troisième, à part qu’ils sont équipés de portes fermées qui maintiennent emprisonnées un air froid et que quelques rideaux leur confèrent un peu plus d’intimité, elle n’est pas très différente de la nôtre. Ici, les gares sont vides et le charme de celles de Madagascar avec leur multitude de vendeurs tous spécialisés dans le même produit me manque un peu…
En remontant dans le train, je fais connaissance avec ma vieille voisin d’en dessous et des deux gamins d’à côté, avec qui je partage désormais la banquette, puis reprends mon poste d’observation à la porte d’où je redécouvre les grandes plaines ponctuées de nombreux arbres au milieu desquels poussent quelques sporadiques pieds de maïs, voilées régulièrement par les nuages noirs que laisse échapper la locomotive… La terre se dessèche peu à peu et laisse place au sable. Le désert approche!
Une fois à Bikaner, je quitte les deux enfants avec qui j’ai bien sympathisé et rejoins la guesthouse de Vinod que j’ai repéré pour ses délicates chambres à 3€, son accueil apparemment unique et ses promenades en chameau (bah oui, quitte à être là, ça va être dur d’y échapper !) Je suis accueilli par sa fille dans une maison superbe et très chaleureuse.
J’ai droit à un thé et à un petit cabanon dans le jardin, au bord d’une terrasse qui entoure un carré d’herbe parfaitement entretenu. Seul client actuellement, je suis présenté au reste de la famille (la seconde fille, le fils et les parents). Nous discutons un moment et là, les histoires loufoques recommencent!
Le père, avisant ma guitare (quel instrument magique pour les rencontres !) m’explique que lui fait un autre type d’instruments à cordes qu’il n’a malheureusement pas ici et beaucoup de percus. La guitare sort de sa housse et un petit concert privé s’improvise, Vinod tapant dans tous les sens avec un rythme endiablé. Rapidement, l’harmonica se joint à la musique tandis que le frère filme le tout.
Un ami débarque alors que le père prend un coup de fil, et me dit en riant que je vais finir sur leur site et dans le journal. Je rigole avec lui avant de comprendre… que ce n’est pas une blague ! Mon hôte est en train d’appeler la presse ! Vingt minutes plus tard, on vient me cherche dans ma « hutte » transformée en loge pour l’occasion.
Les journalistes mènent la danse!
C’est impressionnant à constater et je ne pensais pas faire cette expérience en Inde. Me voilà transformé en bête de cirque ! Un énorme objectif braqué sur moi, on me fait jouer différents morceaux puis on me pose un tas de questions dont on n’écoute pas les réponses. J’ai l’impression qu’ils réinventent ma vie. On me demande si j’ai déjà joué d’autres instruments avec l’harmonica et la guitare, si je compte composer des chansons en Hindi, si je rêve de jouer cinq ou six instruments en même temps… Que voulez-vous que je réponde ?… Mais de toute façon, la réponse n’a aucune importance. Seule la question compte.
Le journaliste écrira ce qu’il a envie. « Il a tout pouvoir ». Ça m’a vraiment frappé et je redoute maintenant de voir son papier. Bon par contre, désolé Philippe, j’ai bien évoqué La Clé des Solsune fois ou deux mais je doute que ça apparaisse au final !?Je ne suis même pas sûr qu’il arrivera à orthographier Les Pirates Médusés correctement ! Va-t’en leur expliquer le jeu de mots en anglais!
Pas possible, qui a choisi un nom pareil ? Je me rends ensuite au fort de Junagadh duquel les Maharadjas successifs et notamment le grand Ganga Singh dirigeaient leur état.
Muni de mon audioguide (en français s’il vous plait !) que j’ai évité de payer en sympathisant avec le gardien (^^), je remonte le temps pour quelques instants et me retrouve à la cour du suzerain. Les senteurs, les musiques et les lumières des fêtes qui se donnaient en ces lieux majestueux résonnent à mes oreilles et envahissent mon esprit, redonnant vie à ces pièces au luxe colossal et pourtant arboré avec goût et finesse.
De la chambre à l’atmosphère romantique au bureau duquel le Maharadja gérait ses affaires, en passant par les inévitables salles d’armes qui rappellent que Ganga Singh était d’abord et avant tout un stratège implacable, maître d’héroïques divisions de chameliers, notamment durant la Première Guerre Mondiale, tout respire la majesté.
Guerrier, gentleman politicien, intellectuel mais aussi artiste compositeur et visionnaire, celui qui a apporté l’eau dans le désert par le canal qui porte son nom, celui qui, dès 1886 a apporté l’électricité dans cette région prospère grâce à lui et… inventé pour son palais l’un des premiers ascenseurs (!), a laissé partout son empreinte imposante et vénérée.
Je profite vers 15h de la vieille ville que la richesse de la région (et le peu de tourisme ?) n’ont pas manqué de préserver dans un état de joyeux Moyen-âge qui fait mon plus grand bonheur. Je passe un très bon moment avec le patron d’un café qui m’aborde sur la route et me fait visiter son établissement (oui oui, « visiter un bar » !), le temple attenant et son atelier d’artisanat sans jamais me pousser à acheter, puis termine par la ferme expérimentale nationale qui étudie le dromadaire, favorise son développement et donne des conseils aux éleveurs.
D’ailleurs, tout le monde parle ici de chameaux mais il ne s’agit bien partout que de dromadaires si j’ai bien retenu ma leçon : « cha-meau », deux bosses, « dro-ma-daire », trois… euh, non, ça fait trop!
Je déguste un chai (enfin, deux puisque mon chauffeur de rickshaw, comme tous les indiens, refuse celui que je lui offre) à l’excellent lait de « camel » (d’ailleurs, quel est le cousin deu « chamelier » en français ? Le dromadelier ?) et apprend tout un tas de choses passionnantes.
Saviez-vous par exemple que le chameau de Bikaner produit 800g de poils par an contre seulement 750 pour celui de Jaisalmer ? Ouhlala !
Enfin rentré, je suis installé comme un pacha dans un fauteuil, les orteils en éventail au milieu du havre de paix que forme « mon » jardin, sous la fraicheur reposante des étoiles, un délicieux lassis à la banane dans une main, ma guitare dans les deux autre… Aaaaahhhhh, que la vie est dure !!
Ce matin, je suis tiré du lit à 7h15 (bon, ok, 8h mais c’est parce que je n’ai pas entendu mon réveil sonner…) par le journal qu’on me brandit sous le nez. Mais bon, en hindi, il faudra encore que je trouve un traducteur…
Pour l’heure, j’engloutis en vitesse du pain de mie avec de la confiture (!) pour la première fois depuis deux mois puis saute dans un rickshaw qui, après une heure de route me dépose… à côté d’un chameau sellé ! Il était inévitable en venant ici de tenter une exploration du désert ! Alors, après de longues négociations avec Vinod, puisqu’il n’est pas commun de ne pas partir avec un groupe de touristes (absents en cette saison), nous trouvons un arrangement. Un guide-cuito et son fils, deux chameaux, un peu d’eau, et moi.
Rejetez les images classiques du désert, dunes de sable fin, oasis de palmiers et… rien à l’infini. Elles viennent spontanément à l’esprit, mais je ne suis pas ici dans le Sahara !
Dans ce « semi-désert » le relief est moins prononcé et la végétation sèche et rase ou les quelques arbres tordus me font plus penser à une savane africaine, à un désert mexicain ou… aux bords de mer du Touquet (!)… mais étalés sur des dizaines de milliers de kilomètres carrés. La charrette, à laquelle je n’ai pu échapper, où se trouvent le matériel et Harphool, mon guide, suit des pistes déjà tassées par des milliers de passages (à travers les siècles?).
Si cela hôte le charme de l’impression de solitude qu’il y a peut-être dans les dunes vierges du Sahara, on y revit très facilement, en gommant les poteaux électriques la première heure, le voyage des caravanes antiques qui passaient ici depuis des milliers d’années, menant vers d’autres contrées ou vers la mer les richesses de ce royaume.
Bercé par le ballottement nonchalant de ma monture, je découvre de loin en loin des maisons solitaires perdues au milieu de nulle part qui cultivent quelques lentilles, du sésame ou du millet survivant grâce aux rares puits dans lesquels se baignent les iguanes.
Quelques chansons aux lèvres, la guitare dans les bras, rafraichis par un petit vent bienfaiteur dans ces espaces immenses et paisibles, nous avançons au fil des rencontres avec les rares gamins qui agitent les bras en lançant de grands « Tata! Tata! », les antilopes ou les buffles sauvages que nous apercevons au loin.
A midi, nous dételons les chameaux sous un arbre décharné et allumons un petit feu de cuisine. Je pèle les pommes de terre et une bonne dizaine de gousses d’ail, tandis que Harphool prépare les chappattis, les galettes de farine qui servent à la fois de pain et de cuillères.
Rejoints par trois agriculteurs de passages sur malgré le repas délicieux, je me fais disputer par le en chef lorsque je refuse de me resservir pour la quatrième fois. Il profite alors vicieusement de mon trajet jusqu’à notre réserve d’eau pour remplir à nouveau mon assiette ! La vaisselle faite… au sable, une petite sieste plus tard, nous voilà repartis… Ah bah non ! Il paraît qu’il fait trop chaud…
Comme si je n’avais pas remarqué ! Mais c’est perpétuel ici ! Je m’assois un moment et observe les nuages comme je ne l’ai pas fait depuis longtemps. Ici, un chameau semble étendre son cou (Amusant comme notre imagination est influencée par notre état d’esprit…). Là, je vois plutôt un bateau qui semble gonfler ses voiles. Il est des phénomènes que la science explique merveilleusement bien, qui me passionnent et que j’aime manipuler, bricoler, traficoter. Mais lorsque je vois ces gros blancs d’œufs battus en neige suspendus au dessus de nos têtes et modelés par la nature (le meilleur des artistes), je me dis qu’il est bon que certains restent mystérieux et gardent un peu de leur magie pour continuer à nous émerveiller…
Bon allé, la sieste, ça va un moment mais il parait qu’on est là jusque 16h, et je ne compte pas m’ensabler ! Alors, en avant ! Tandis que mon guide s’est assoupi et que son fils essaie de déchiffrer les caractères étranges de ma partition d’Asturias, je pars à la chasse aux antilopes… sans succès. Je reviens les mains vides, avec juste une petite souris toute mignonne dans la boîte.
Au fil de l’après-midi, je découvre la monotonie du voyage.
Un ballottement. Un autre. Droite… gauche… droite… indéfiniment. C’est lent… Alors, je m’invente des jeux. Je laisse la charrette prendre un peu d’avance sous le prétexte que ma monture déguste un buisson pour la lancer ensuite au pas de course. J’ai l’impression d’être quand même un peu trop bridé et j’imagine sans peine les immenses caravanes obligées d’aller au rythme du plus lent sur des centaines de kilomètre. Heureusement qu’il y avait du monde pour discute !
Chemin faisant, je découvre aussi l’immensité du désert, ou du Pays de la Mort comme on le nomme ici. Sec partout. Du sable et des buissons à perte de vue. Comment se soucier du reste du monde dans cette immuabilité ? « A dos d’chameau (papalapalapa), on s’en fait pas trop (pa-palapapa)… » Hélas, le soir voit revenir les poteaux électriques et j’ai bien du mal à capturer le coucher du soleil entre les fils. Avec un appareil phot, nous devenons nous aussi journalistes. « Je veux un beau coucher de soleil ». On ne garde pas les images de la vérité mais celle de « notre » réalité… Mais finalement… en écrivant ces lignes je me pose la question : Notre esprit n’agit-il pas de même ? Il doit être un peu journaliste lui aussi…
Après une nouvelle chasse plus fructueuse celleci, la journée se termine par un délicieux repas que nous partageons avec un couple suédois, qui viennent de nous rejoindre, et une veillée guitare sous les étoiles au coin du feu. En regardant les constellations sur l’air de « montée là-haut », je repère les trois points alignés de la ceinture d’Orion qui me rappellent une nuit d’été. Bon-Papa, c’est toi qui me les avait montrées la première fois…
Laissant la tente aux amoureux, couché sur une étoffe épaisse avec pour seule couverture l’infini de l’univers, mon esprit s’évade peu à peu… Bonne nuit ! Ce matin, j’ai construit un château de sable. Faut-il perdre l’innocence de notre enfance en grandissant ? Aujourd’hui, quoi que je fasse, j’essaie de le faire le plus fonctionnel possible, opérationnel, optimisé. Eh bien, non. Bien sûr, certains diront que ce château répondait lui-aussi à un but : me prouver que je pouvais encore le faire. Mais au moment où je creusais le sable fin pour trouver un peu d’humidité, non. Je creuse tout simplement, m’encrassant les ongles avec bonheur.
Comme d’habitude, je dois m’y reprendre à trois fois avant de parvenir à faire un « tunnel » qui serve de porte d’entrée. Quant au pont qui doit enjamber la douve unique qui protège l’avant (ben oui, pourquoi les ennemis attaqueraient pas les autres côté s’il n’y a pas de portes !), j’y renonce rapidement. Il me faudrait un meilleur architecte.
Pour compléter le tout, il faudrait que je creuse un canal jusqu’à la mer pour amener l’eau dans les douves. Mais ici, la mer est loin ! Je préfère y faire pousser un petit roncier. (Merci Guédelon !) Mon fort protège une petite touffe d’herbe. Il n’est pas beau.
J’ai passé un bon moment à le faire, sans réfléchir au pourquoi, à le bâtir de mes mains d’enfant et à le modeler grain par grain. Il est magnifique.
Le sable à ceci de merveilleux qu’il est comme une ardoise géante. On peut à volonté effacer et recommencer. Alors j’écris, de la pointe de mon plus beau doigt tous ces mots que je ne dis pas et dont l’empreinte restera à jamais enfouie dans le désert…
Le chameau est un animal stupide et capricieux ! Stupide parce que, discipliné, si on le laisse faire, il suit bêtement les animaux de tête. Et s’il se retrouve en tête… perdu il fait des tours sur lui-même ! Et capricieux parce que, pire qu’un canasson, lorsque je tire une rêne, il tire encore plus fort dans l’autre sens. Imaginez un peu ! La conduite n’est pas aisée.
Et je n’ai pas encore non plus trouvé d’autre moyen pour l’arrêter que de l’envoyer dans un arbre au risque de rayer la carosserie. Où est la pédale de frein ? Harphool a beau m’expliquer qu’il suffit de faire « pfou-pfou », et j’ai beau essayer en me bavant dessus autant que possible, la dégustation de buisson reste le plus efficace ! Essayez donc de prendre une photo d’une jolie gazelle lorsque vous êtes continuellement balloté d’avant en arrière !
J’ai également enfin pu tenter le galop mais, après qu’on m’ait expliqué que ma méthode « cavalière », debout sur les étriers, mains serrées sur la poignée de la selle pour l’équilibre, n’était pas la bonne, je tente la leur, bras repliés sur la poitrine, coudes tendus pour battre des ailes, pieds sortis des étriers… et je me fais balancer en tout sens. Je crois que je me suis déplacé un ou deux vertèbres. Finalement, le pas 9 nonchalant n’est pas si mal… du moins pour la prochaine heure !?
Au cours de notre dernière pause, nous sommes rejoins, pour partager un ultime chai au lait de chamelle directement puisé à la source locale, par trois enfants du désert, probablement attirés à la vue de notre convoi.
Je suis totalement fasciné par ces fillettes au visage volontaire, aux yeux déterminés qui, malgré qu’elles n’aient surement jamais rien vu d’autre que le sable ont probablement vécu des choses que je ne pourrais jamais imaginer. L’une d’elle m’impressionne particulièrement avec sa mine farouche et ses cheveux sauvages. Je suis incapable de détourner mon regard de son visage, de même qu’elle semble hypnotisée par le mien.
Dans le reflet de ses yeux profonds, ce n’est pas la misère qu’affichent ses vêtements que je distingue. Ce n’est pas non plus de la jalousie ou une quelconque mendicité.
J’y aperçois du courage, de la force et une indicible envie de vivre, tout simplement. Je suis intimidé par ses yeux presque adultes au cœur de ce visage d’enfant qui semble me rendre ma curiosité. Mais passé les premiers contacts gelés et les premières jauges, à défaut des ballons de baudruche que je regrette, je ressors l’instrument magique.
Je ne crois pas avoir vécu de meilleurs moments en Inde que ces quelques instants où, sans un mot, je montre à cette petite fillette assise tout contre moi comment gratter délicatement les cordes.
Tandis que mes doigts retrouvent leurs positions coutumières, les siens font s’envoler avec douceur quelques notes qui se perdent dans le ciel… magique…
Allongé au milieu du désert, le sable fin pour matelas, un tissus sur le visage pour se protéger du soleil qui noircit (ou brûle ?) tout ce qui dépasse, une douce musique aux oreilles, il m’est bien difficile de me dire que je ne suis pas en vacances ! Et pourtant, la fin arrive doucement. Je remercie une dernière fois mon guide au rire si agréable avec ses intonations africaines.
Malgré son visage creusé par le sable et le soleil, le vieil homme fait encore preuve d’un dynamisme surprenant. Le Thar a beau le tenir le plus souvent éloigné de sa femmes, de ses huit enfants (il voulait un fils, il a persévéré!), et avoir usé ses traits, il ne lui arrachera jamais sa vitalité.
Une belle image de la force de l’humanité. Après un dernier regard, je tourne le dos au désert…
Avant de remonter dans le train, je m’octroie un petit crochet pas le village de Deshnok, célèbre pour son temple unique en Inde où des centaines de pèlerins viennent honorer… les rats sacrés!
Pataugeant dans les déjections des rongeurs qui pullulent, chacun vient améliorer son karma en offrant à ces charmantes petites bêtes sucreries et autres gâteries. Résultat : rendus pacifiques et presque domestiques, les rats se multiplient au plus grand plaisir des visiteurs.
Si la plupart du temps ce sont eux qui me grimpent sur les pieds naturellement nus en ce lieu sacré, ou me lèchent les orteils, je finis quand même par en piétiner un (ben oui, ça devait arriver à force de courir partout !) dans un « schcouic » qui m’attire probablement le mauvais œil.
Heureusement, je compense en apercevant le fameux rat blanc censé apporter bonheur et prospérité. (boh, ça marche pas trop mal!) Il parait que tous ces rongeurs seraient les réincarnations des musiciens qui, ô joie, évitent ainsi l’obscurité du royaume des morts. Il fait bon être guitariste au pays des cent mille dieux!
En rejoignant la gare où je ferai connaissance de Naresh, un Indien qui fait toue les semaines la route entre Delhi et Bikaner pour revoir sa famille, je prends un dernier repas dans une cantine populaire de Deshnok, dans un cafouillis incroyable.
Avec un menu entièrement en hindi, les cuistos qui ne parlent pas un mot d’anglais, ont l’air de dire que je ne peux pas prendre la même chose que les autres clients.
Impossible de leur demander de quoi sont composés les plats aux noms indéchiffrables et s’ils doivent être accompagnés de riz ou de chappattis. Lorsque j’essaie de montrer une ligne au hasard, on me baragouine une suite de syllabes qui semblent vouloir dire non.
Au moment où je fais mine de m’en aller, agacé, on m’amène un plat semblable à du yaourt, étrange mais délicieux (du Rayalta semble-t-il) que j’ai la surprise de découvrir froid, accompagné d’un excellent lassis aux fruits secs. Bon ben… ça me va!
La petite anecdote du moment :
En prenant sa voiture, bloquée par une autre garée perpendiculairement, j’ai découvert une nouvelle étrangeté du pays. Ici, les gens se garent sans frein à main. Ainsi, lorsqu’une voiture nous gêne pour sortir… on la pousse tout simplement?