La légende de Ritigala au Sri Lanka
“C’est ici !”, cria un passager assis au premier rang, après avoir jeté un dernier cou d’oeil à ses plans, alors que le bus s’arrêtait à la station Ritigala. L’homme du premier rang était plutôt âgé, l’image soignée, l’attitude raffinée. Il descendit comme moi à Ritigala. J’observais les quelques livres et plans qui dépassaient de son petit sac-à-dos.
Ritigala est une montagne sacrée qui abrite un site historique datant du 1er siècle av. JC. Les monarques, rois et colons ont tous fait des allées et venus sur cette montagne, mais elle est devenue aujourd’hui le territoire des locaux et des moines, qui s’y baladent en toute simplicité.
C’était un endroit très agréable comparé aux autres visites historiques souvent gâchées par le bruit et les foules de touristes. J’ai été accueilli par un bon nombre de locaux qui souhaitaient m’inviter à déjeuner. Le village entier semblait prendre ses repas ensemble, et m’a ouvert ses portes avec enthousiasme. Alors que j’étais sur le point de partir, j’ai même eu droit à une boisson appelée Orange – qui était de couleur verte…
Mon camarade de bus était occupé à discuter avec quelques habitants. Ce n’était clairement pas sa première visite dans cette montagne mystique située au nord du Sri Lanka.
Après avoir déjeuné et déposé ma valise à l’hôtel, j’ai emprunté la route menant aux ruines. A l’exception de quelques moines, je n’ai croisé absolument personne. J’avais tout mon temps pour explorer la variété de ruines qui s’offraient à moi.
Le meilleur moment a été lorsque je me suis aventuré dans la forêt. J’y ai trouvé de nombreux petits sentiers et des sortes de grands battons de pierres, qui laissaient présager d’intéressantes trouvailles. Au fur et à mesure que je m’avançais à travers les arbres, je trouvais de nouvelles choses telles que des ruines de sites de prière, des grottes mystérieuses et même des petites cavernes dans lesquelles les moines vivaient encore.
Si je n’étais pas forcément impressionné par le site en lui-même, le fait de découvrir les lieux par moi-même et d’être seule sur le site en ont fait une expérience unique.
La nuit s’apprêtait à tomber lorsque je suis rentré à l’hôtel. J’y ai retrouvé mon camarade de bus en train de fumer dans le jardin. Il m’a gentiment proposé de me joindre à lui et ainsi goûter les cigarettes sri lankaises, ce que j’ai accepté avec plaisir.
Il s’est présenté comme étant le Professeur Victor Trevor, me donnant quelques détails sur sa profession. Je l’écoutais à moitié, bien trop occupé à repenser à la première fois que je l’avais vu ce matin, dans le bus. Il a fini par remarquer que j’étais ailleurs, et m’a demandé si j’avais déjà entendu parlé de la plante « Sansevi ».
Sansevi , poursuit-il sans même attendre ma réponse, est une plante thérapeutique qui a le pouvoir d’allonger l’espérance de vie et de guérir chez l’Homme la plupart des maladies. Selon les croyances, Lord Hanuman (dieu-singe hindou), doté de pouvoirs surnaturels, aurait parcouru Ritigala pour passer de l’Inde à Lanka. Le récit mythologique conte effectivement que lorsque Sita, femme du dieu hindou Rama, a été captivée par le roi de Lanka, c’est Hanuman qui est parti à sa recherche. Alors que Rama avait déclenché une guerre pour récupérer sa bien-aimée, son frère blessé dans la bataille risquait de mourir sans l’aide d’une plante miracle dont la description tenait sur un petit morceau de l’Himalaya. Hanuman s’est à nouveau chargé de la mission, emportant avec lui l’échantillon de la chaine de montagne. Alors qu’il était en chemin, le mi-dieu, mi-singe aurait accidentellement fait tomber ce morceau, brisé en trois fragments: Ritigala est aujourd’hui l’un d’entre eux. »
J’ai très vite compris que mon nouveau camarade était en fait à la recherche de cette fameuse plante. Il la cherchait depuis quelques temps déjà.
« La concentration de végétation et de plantes thérapeutiques qui ornent le mini-plateau au sommet de Ritigala marque une réelle différence avec la flore très sèche de ses environs. Prouver l’existence de Sansevi – surtout après avoir découvert le pont construit à la main liant l’Inde et Lanka – ferait passer le récit mythologique de la légende, au réel !», dit le Professeur en se levant de son fauteuil. Il me souhaita bonne nuit, avant de s’évaporer on ne sait où dans l’hôtel.
Je restais assis là, comme bloqué. J’avais besoin d’un peu de temps pour digérer toutes ces informations.
Je n’ai pas pu dormir cette nuit là, ne pouvant m’empêcher de penser à la légende de Ritigala.